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10 septembre 2008

la fin du voyage

arbre Rien ne les destinait à se rencontrer: lui, prof brillant et bouillant, elle, petite bonne métisse, bagarreuse et rigolote. Il venait de voir s'éteindre la mère de ses enfants, elle sortait d'une relation destructrice avec un mari violent. Mais l'amour a ses raisons que la raison, etc, etc. Ensemble, ils ont construit cette maison de rêve dont j'ai déjà parlé ici, remonté les restanques pour y planter des oliviers. Il lui a offert l'amour des livres, elle lui a appris à s'émerveiller sur des petites choses, une fleur, une couleur, une bestiole qui passe. Pendant des décennies, ils ont milité corps et âme pour la laïcité, la république, les repas chez eux m'enchantaient.

Ils se sont disputés beaucoup, aimés énormément. Et puis, il y a quelques années, le crabe a attaqué P.On n'ébranle pas comme ça un grand monsieur, alors un deuxième crabe s'y est mis. Il y a quelques mois encore, lors d'un méchoui dans leur petit paradis, je m'émerveillais de voir P., ses 84 ans et ses 2 cancers m'embarquer dans son antre, une pièce sous la maison tapissée de bouquins , pour y chercher "les lettres de Louise Michel".

Mais la faucheuse rode. Il y a 2 semaines, P. a été hospitalisé: d'abord ici, puis dans un autre hopital, puis ramené ici il ya 2 jours. Cet après-midi, E. et moi y sommes allées. Une toute petite chose dans un lit, les yeux fermés, des tuyaux partout, sans force aucune. J'ai pris la main "libre", collé mon oreille à sa bouche, j'ai entendu les mots "tout arrêter...débrancher...". E. est sortie pleurer dans le couloir, je suis restée appuyée à la barrière du lit, j'ai fermé les yeux pour mieux entendre les mots , j'enrageais de ne pas tout comprendre. Une jolie infirmière est venue me virer, j'ai embrassé cette main qui a tourné tant de pages, tant écrit, fait naître un potager au milieu de cailloux, récolté les olives, la main d'un homme qu'on ne peut que respecter.

Ce soir, E. va appeler J. , moi, je vais prévenir les copains.

Saleté de faucheuse, laisse-le nous encore un peu, s'il te plait.

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Commentaires
H
Ca ressemble au Goüt de ta consoler, il sait de quoi il parle et la faucheuse est passée juste à côté de lui...
L
Il est temps de sortir de ce moment de la vie où on enterre des proches pour passer à celui où on fête les mariages de la génération qui suit et les naissances de la génération d'après.<br /> On meurt toujours trop tôt, mais tant que les grands'parents meurent avant les parents et les parents avant les enfants, ça reste dans l'ordre des choses...<br /> Bises à ceux qui sont touchés.
T
tu peux être fiére de relayer son combat, et lui d'avoir des amis si fidéles...<br /> bonne journée, la fille!bisou à ton garçon si mignon!
P
Elle ne fait jamais de cadeau tu sais. Mon père aussi a demandé d'être débranché et je l'ai obtenu du toubib, puisque c'était plutôt un acharnement thérapeutique. Le plus dur a été de sortir ma mère de la pièce, sans le lui annoncer.Le lendemain matin, il est décédé presque avec un sourire. J'aurai toujours dans les yeux, ma mère en train de lui caresser le front.
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