la chemise
C'est une réunion du samedi après-midi: trop longue à mon goût, je ne tiens pas en place. Mais les camarades, les amis sont à donf, comme on dit dans mon quartier. Mieux mourir debout que vivre couchés, ils sont tous d'accord. Les décisions pleuvent: aller à l'entrée de l'hopital menacé de privatisation sinon de fermeture totale, contacter les soignants, les visiteurs, organiser une réunion chez F. qui a du mal à se déplacer, rédiger un nouveau tract, préparer une délégation en préfecture; moi, comme une andouille, je m'inscris partout, je mets plusieurs minutes à percuter que je vais devoir avaler 1 litre de café par jour, et abuser du crayon anticernes.
Je prends mon portable en main pour me donne un genre, je sors. Une vraie bonne bouffée de "fumer-tue", je tourne le coin de la salle municipale, très glauque, mais gratuite. ( à Toulon, la belle ville dont le maire est secrétaire d'état, les salles mises à disposition des réunions politiques , sont désormais payantes, y a pas de petit profit). Derrière, il y a ce petit coin qui n'a pas dû changer depuis l'époque où Hyères vivait à la campagne, en face du lavoir où des femmes du quartier continuent à venir battre, frotter, essorer draps, torchons, le linge de la maison. A l'écart de la rue, pas encore rongé par un marché fait pour ceux qui viennent vivre à quelques heures de TGV de leur travail, de vraies maisons, un vrai palmier, des vraies gens. Et une voix de femme , une voix pas jeune mais pleine de vie, une voix qui sort d'une ouverture, qui remplit l'impasse un instant : Bert*, rentre ta chemise blanche, elle doit être sèche....! Je m'éloigne, je ne veux pas accrocher la vue de Bert, pas déranger comme une sauvage cette si jolie solitude. Et je repars vers la salle où quelqu'un pose la question de .... la grève générale!
* diiminutif de Albert, ici en tout cas.