passagère fée du logis
Bloquée at home par une clavicule qui a décidé de m'enquiquiner (le mal des militants qui trimballent trop de papiers, les gars ont mal au dos, moi à l'épaule), je mets le nez dans une caisse de vieux papiers: au fond, une pochette poussiéreuse, pleine à craquer, je me retrouve sur le canapé à rêvasser.
D'abord, une lettre d'amour, une vraie de J., qui a su me faire trembler, vibrer, bref aimer pendant 7 ans et qui ne comprend pas que certaines cassures sont impossibles à rafistoler. Ce doit être la seule lettre que cet homme m'ait envoyée, peut-être y-a-t-il dans un autre carton 1 ou 2 cartes postales, mais cette lettre, ah cette lettre...Comment avais-je pu l'oublier? Des mots qui caressent,qui promettent, c'est beau comme une barcarolle d'Offenbach, mon amour lointain, tu aurais du m'écrire davantage, sais-tu?
La deuxième re-trouvaille est un rectangle de papier jauni plié en 2, une ligne rouge en diagonale, "permis de communiquer accordé à ....... pour le détenu....... ". Et d'un coup, je revois le petit C., ses longs cils,ses débuts de sourire. Le petit C. avait à peine 20 ans,sa mère l'avait largué à la sortie de l'adolescence, il avait brûlé 1 ou 2 voitures dans son patelin, hop derrière les barreaux; moi, je travaillais (quel joli mot) dans un lieu improbable, mais tellement beau, en haut d'une collinne entourée par la mer, une association un brin catho mais pas trop, nous y acceuillions des gars écorchés, balafrés par lavie, des hommes jeunes ou vieux qui sortaient d'hôpital, de prison, de la rue. Je m'étais prise d'intérêt pour le petit C., j'avais dévoré son dossier, j'avais voulu le rencontrer avant son arrivée. Il m'avait fallu batailler, je n'étais pas de la famille, pas visiteuse de prison, j'avais tellement enquiquiné les gens du greffe que j'avais un permis d'avocat, et quelques faveurs, un parloir individuel, le droit de donner des cigarettes au "détenu"....Plus tard, le petit C. n'a pas supporté l'humanité, il a foutu la pagaïe dans le bel endroit, il est reparti, je l'avais oublié, dans quelle geole cache-t-il son joli regard....
Et puis, une carte postale, c'est le verso qui compte: "To......, love, Tony Hopkins"...!!! Oui, oui, lui-même, Anthony H! Nous habitions alors, mes 3 marmots et moi, dans un joli et très insalubre endroit, à quelques mètres d'un atelier de poterie , un potier qui travaille à "l'ancienne", comme du temps de Picasso. Picasso, justement, James Ivory (ben oui, le même, il n'y en a qu'un) tournait un film sur lui et cherchait un atelier de poterie qui ressemble à celui du maître. Je n'ai pas résisté bien longtemps, j'ai un jour arrêté une voitrue pleine d'américains sur le chemin, j'ai demandé en bafouillant un peu la permission de venir voir: et le lendemain, je me suis retrouvée assise dans l'herbe au milieu de ma marmaille, juste à côté d'une maquilleuse très américaine et souriante, pétrifiée d'admiration, à regarder Hollywood en terre varoise. A la fin de l'après-midi, les prises étaient bonnes, la star s'éloignait, je me suis levée, la Princesse, haute comme 3 pommes m'a suivie: "il" s'est retourné, les mêmes yeux bleus que dans "le silence des agneaux", il a souri, nous a serrées contre lui, je ne touchais plus terre, la Princesse savait qu'elle était dans les bras d'une "star", laquelle, elle s'en foutait, elle allait en rebattre les oreilles de toute sa classe pendant longtemps...J'ai trouvé cette carte postale dans le fond de mon sac, ces quelques mots.....Hier la Princesse me l'a piquée. Il parait que le film est très mauvais.