Le poète
Je ne sais pas ce qui se passe en ce début d'Août. Je n'ai jamais été autant invitée, 4 soirs dans la semaine quand même. L'absence du Charmant est du coup nettement moins importante, ça tombe bien, j'ai toujours pensé que les histoires d'amitié m'étaient beaucoup plus chères que les histoires d'amour...
Hier soir, c'était à Giens, chez M. La même chaleur qu'avant, à la différence près que nos enfants ne jouent plus à cache-cache, et que A., mon amie, ma soeur de coeur n'est plus là. Emportée par une saloperie de cancer il y a quelques années: quand je vais là-bas, je la sens près de moi, j'entends son rire, l'absence se fait plus douce.
Le repas a été copieux, le Morgon a tenu ses promesses, pendant que la jeunesse s'esclaffe devant un écran, nous parlons dans le jardin, au milieu des fleurs et des plants de courges qui serpentent un peu partout.
Je ne sais plus qui a lancé la discussion sur Saint John Perse, qui a passé les 20 dernières années à Giens. H.. affirme que politiquement, il n'était pas clair quand même. M. rétorque que si il a été désavoué par le régime de Vichy, c'est qu'il ne devait pas être si pourri que ça.La si jolie E. (j'ai l'impression que c'était hier qu'elle organsait des dinettes gigantesques avec ma Princesse, qui a son âge...) se joint, repart, revient avec un livre du poète.
Se fait à peine prier par son père pour nous lire un extrait:
Et sur la grève de mon corps l'homme né de mer s'est allongé. Qu'il rafraîchisse son visage à même la source sous les sables ; et se réjouisse sur mon aire, comme le dieu tatoué de fougère mâle... Mon amour, as-tu soif ? Je suis femme à tes lèvres plus neuve que la soif. Et mon visage entre tes mains comme aux mains fraîches du naufrage, ah ! qu'il te soit dans la nuit chaude fraîcheur d'amande et saveur d'aube, et connaissance première du fruit sur la rive étrangère.
Les bougies coulent sur la pierre, l'air est doux, je pense à A. qui a transmis l'amour des mots à sa fille avant de partir.
Au cimetière de Giens, un si joli cimetière marin, la tombe en granit d'Alexis Léger, dit Saint John Perse, est comme il l'avait rêvée: avec des creux dans la pierre pour que les oiseaux puissent l'utiliser comme mangeoire et baignoire. Chaque fois que je vais dans ce cimetière dire bonjour à A., je vois que "quelqu'un" y a mis des graines et de l'eau.....