des gouts et des couleurs
Fiston et moi chez l'ophtalmo: je surveille discrètement, c'est bon, il lit même les toutes petites lettres, k b j e m, oeil de lynx. On passe aux couleurs, c'est quand même ce qui nous a amenés ici. Je regarde le fiston, ses grands yeux verts (il est beau mon fils), son air un peu perplexe, non, là je ne vois rien ,là non plus, non, là non plus.
L'homme de l'art (celui qui m'a opérée, respect) se retourne, sourire: daltonisme. Affolement maternel dissimulé, enfin je crois.Mais non, il faut pas, le daltonisme n'est pas une maladie, votre fils est différent, c'est tout. Bon, ça, je n'en doutais pas. Explications techniques, mais pas trop, des cellules de l'oeil qui ne fonctionnent pas comme d'habitude, enfin, c'est ce que je comprends. Moins technique, en fait, on ne sait pas si ce ne sont pas les daltoniens qui voient les VRAIES couleurs, ça devient intéressant.Comme Fiston a beaucoup vécu, en dépit de son jeune âge, il identifie les couleurs, sans en saisir les nuances: bref, il ne grillera pas de feu rouge, sauf si il est très pressé.
Mon rejeton est quand même en formation de sérigraphie, est ce que ça ne va pas gêner? L'intéressé ricane comme on sait si bien le faire à presque 16 ans (dans 9 jours!), ben non, ça le gêne po, port naouak. Bon, il y a quelques inconvénients, il ne sera ni chauffeur de bus, ni électronicien, ni pilote d'avion ,ni démineur, hilarité du dit daltonien, le toubib se marre aussi.
Dans la rue, j'explique: il trouve ça "trop classe", soit, mais il rencontrera peut-être des ceusses qui le verront comme un pas normal, un bizarre, des abrutis, y en a partout, faut être prêt à ça. Je m'en fous, c'est trop délire d'être daltonien . On va dans les magasins?
On rentre heureux, Fiston avec son blouson doublé, moi avec le bottes western auxquelles je ne croyais plus.
Et ce soir, le Fiston improvise le rap du daltonien dans la douche. Top giga fun.
CHAGALL