le coeur d'un homme
Je pousse mon caddy dans les allées d'un des temples de la précarité quand ma poche se met à chanter: le temps de faire tomber le pack de yoghourts allégés, qu'on dirait des vrais de la marque qui passe à la TV mais en moins chers, je dégaine. Sur l'écran, un prénom, celui de l'ex. Non, tu ne me déranges pas, en fait , je fais mes courses... boire un coup....? OK, j'arrive. Faut dire que le temps est en pleine forme, soleil et tout, que ma voiture est garée au fond du parking sous un amandier, et qu'avec l'H.... Avec l'H., je sais pas, je sais plus. Oui, il est charmant, oui, il est gentil, oui, quand il sourit, oui, quand il m'appelle "mama" en imitant Ray Charles, je fonds, un vrai chamallow, mais il manque un truc, la flamme est petite je trouve; et pas moyen de la gonfler, la molette est cassée.Ou en panne. Oui, ça m'emmerde. Mais.
L'ex arrive au bar en même temps que moi, j'ai un temps d'hésitation, si, c'est bien lui, ce beau mec qui me sourit. Tout d'un coup, je ne regrette plus d'avoir mis ce cache-coeur offert par la princesse, je repousse les mèches qui me tombent sur le nez, je me redresse; et en plus, il sent bon. La discussion a du mal à décoller, ses filles, mes enfants, sa mère...on dirait un premier rendez-vous.
L'ex va payer, le geste élégant et décidé quand je sors mon porte-monnaie, c'est vrai qu'il payait toujours, à l'époque où...(j'ai de la chance, je n'ai presque jamais rencontré de radins). Il y a comme un flottement, j'ai ramassé mon sac, remis mes lunettes noires....Ah, ce soir, non, j'ai promis une soirée pizza au Fiston, oui, il a beaucoup grandi, c'est presqu'un homme maintenant. Petit sourire. Il est loin, le temps où il apprenait à un tout petit garçon à taper sur des percus, c'était hier je sais. Samedi...? Je ne sais pas...la mère de l'H. est chez son fils à elle en ce moment, mais on ne sait jamais.....Ok, rappelle-moi.