Le plus beau jour de leur vie
F et Y sont des amis, même on peut dire que ce sont 2 de mes amis les plus chers. Il y a 2 ans, Y a commencé à parler mariage c'est la plus belle chose du monde. Ca faisait rigoler F genre on est très bien comme ça. C'était sans compter sur l'entêtement de Y , que, quand elle a une idée en tête, elle ne l'a pas ailleurs, bref un après-midi où elle n'avait rien à faire, s'en est allée déposer les bans en mairie. Le soir-même, on mangeait tous ensemble, et nous apprenions qu'on était invités fin juillet. C'est là que les emmerdes ont commencé.
Parce qu'au départ, c'était un truc tout simple, il fallait trouver une salle, et on allait faire une fête comme on sait faire, mais en plus nombreux et avec les parents. Et puis un jour, F m'a glissé une enveloppe: à l'intérieur, une carte avec un texte sirupeux, la dâte tout ça, et le lieu un resto bien chicos du coin; situé dans un endroit où on ne peut pas rester dormir, donc ceux qui conduisent vont trinquer avec des verres d'eau, super. Bon, jusque là, ça pouvait passer. Même si F, en réunion, faisait des fois des bonds excusez moi, il faut que je rappelle le photographe. Ne répondait pas quand on glissait qu"on a tous des appareils photo, on doit pouvoir se débrouiller. Après, on a appris que Y souhaitait un "dress code"... Quand j'ai signalé discrètement que ben moi, je n'ai pas trop de moyens, alors m'acheter une robe que pour ce jour, je sais pas si je vais pouvoir, le "fiancé" m'a répondu que pas grave, ce n'est pas toi qui te maries. et a filé s'acheter un costard Kenzo. Pendant que sa douce se faisait faire une robe sur mesures, j'ose même pas imaginer le prix.
Un jour où on prenait tranquillement le café, j'ai tenté d'expliquer pourquoi j'avais toujours refusé de passer devant le maire, que chacun fait comme il veut, mais moi le mariage... Y m'a coupé la parole, ah oui, j'ai oublié de te dire, je compte sur toi pour m'aider à trouver les fleurs. Ca s'appelle un dialogue de sourds je crois, mais bon ça va pas m'empêche de dormir.
Sauf que. je suis peut-être (sans doute), has-been, un truc qui m'énerve au plus haut point, ce sont les "enterrements de vies de ...". D'abord, rien que la formulation. Enterrer. Et puis ces groupes de gens qui s'alcoolisent, font des plaisanteries douteuses, bof. Mais F et Y ont décidé que leurs invités boiraient le calice jusqu'à la lie. Il y a un mois, nous annoncent que il y a bien enterrement. Pour les hommes, en ville, avec tout un programme, pour les "filles" (la plus jeune a 40 ans), le même soir, rendez vous chez eux à telle heure. Les regards atterrés quand, avec la discrétion que le monde entier m'envie, je demande si c'est vraiment indispensable ce truc de beaufs. F , le même qui faisait des plaisanteries un peu lourdes sur le mariage, m'explique doctement que c'est comme ça qu'il faut faire. Mais j'aime Y d'amitié vraie, donc si ça peut lui faire plaisir.... Alors vendredi dernier, je suis au salon de coiffure, la coupe, la couleur, oui je veux bien le soin magique qui va achever mon découvert bancaire, je vais faire honneur à ma copine. La dite copine qui me téléphone hier matin, une histoire d'essayage de robe, elle n'a pas le temps, alors on annule la soirée, je sais que tu ne vas pas m'en vouloir. Ben si, je t'en veux, j'ai décommandé le Charmant (qui est invité en tant que "cavalier", même si il n'a pas de cheval à ma connaissance, mais a trouvé un bon prétexte pour ne pas participer aux viriles libations), la soirée à la plage avec K et ses copains rigolos, j'ai préparé une robe, et surtout... j'ai fait une gymnastique cérébrale très lourde pour me motiver. Mais non, je te connais, tu ne m'en veux pas. S'en suit une roucoulade sur le thème du décolleté de la robe, des hommes qui auront tous une cravate, en gros Monaco peut s'accrocher, ne manqueront que Stephane B et Karl L.
Une heure après, j'expose mon désarroi au futur époux qui visiblement s'en fout, mais tient à nous développer (d'un air un peu niais qui ne lui va pas du tout) comment ils ne vont pas dormir ensemble la veille, et qui va conduire la voiture, et qu'il y aura une tirelire pour "qu'ils puissent se payer un voyage". Quand je retrouve ma voix, que je tente d'exprimer que c'est pas un peu trop tout ça, j'ai droit au maintenant connu regard patient-mais-tout-juste et c'est comme ça un mariage. N'ajoute pas que je suis une pauvre chose qui a toujours vécu dans le péché au fond d'une caverne puante, mais je crois qu'il se retient.
Hier soir, j'ai regardé un film rose bonbon comme les américains savent faire, englouti des trucs très caloriques en boule dans les coussins du canapé. Mais. A 22 heures, R. a appelé. Il vient d'arriver, il dit on va passer un bel été où tout sera permis. Il m'attend ce soir pour l'apéro. Se dit enchanté que le Charmant et moi, on ait remis ça. Mais si tu viens toute seule, ce n'est pas grave....
On va passer un bel été, finalement.