La vie est un saut basque
Parce ce que, il y a encore quelques années, pendant les bals du village, il y avait un moment incontournable, comme ils disent dans le poste. L'accordéoniste venait au bord de la petite scène, et avec son accent délicieux, annonçait le saut basque. L'adrénaline montait en flèche dans la salle, je suivais mes cousines qui fonçaient se placer au premier rang, et on dansait. En Ligne. 40 ou 50 personnes, je suivais comme je pouvais.
Donc l'autre soir, à la bodega, après moultes tournées offertes par les cousins, j'ai réclamé le saut basque. Mon magnifique et jeune cousin, mon confident, avec son sourire contagieux, a appelé le gars qui "met la musique" dans le grenier au dessus du comptoir (oui, la bodega se tient dans le préau de l'école, et avant c'était une grange). Le gars a farfouillé, quelques minutes après, on avait la petite musique guillerette et désuète du saut basque. Le magnifique nous a fait aligner, et hop, leçon de saut basque. Avancer de quelques pas chassés, reculer, et pirouetter d'un pied sur l'autre 2 ou 3 fois. Et repartir. Le magnifique danse ça comme un dieu, tricote avec ses pieds et ponctue non là, tu tapes, l'autre pied, oui, G. c'est bon ça. A la fin tu es essoré, enfin moi en tout cas, mais tu souris, tu ne peux plus t'arrêter de sourire.
Ce matin, volets fermés, la regarder une dernière fois, sortir en voiture du jardin sans se retourner... Fiston pianote sur son clavier, me lit ce qu'il vient d'écrire à cousin préféré. A bientôt Mr T. La vie est un saut basque ça ne s'arrête jamais.Première réaction maternelle non dite: p***, ça lui réussit d'être amoureux. Deuxième: c'est vrai en plus.
La chute, parce qu'il en faut une, au cas où les blogueurs de Roumanie, Belgique, Etats Unis, Angleterre, Allemagne, France (si, si, j'ai regardé mes "statistiques") auraient lu juqu'ici.
Ce soir, donc, après un tiers du voyage sous la flotte, 10 kms de bouchon à Montpellier, arrivée au achélème. Où Fils Ainé nous attend avec le sourire. La bibliothèque est repeinte, une jolie laque très sobre, des lampes un peu partout, le balcon rangé et même mes plantes arrosées, pimpantes posées sur des caisses, comme un petit jardin suspendu face à la mer. Un truc qui ressemble à la perfection.
Le tas de courrier... Je trie vaguement. Merde le trésor public. C'est clair, net et concis. "Avis à tiers détenteur". La taxe d'habitation, celle qui est plus élevée que mon loyer, j'avais fait 2 fois des dossiers, rencontré l'huissier - charmante au demeurant- ne vous inquiétez pas, on va arranger ça.... En gros, mes déjà si maigres allocs-chomdu vont être ponctionnées aux deux tiers. Premières retombées inévitables, l'interdit bancaire et 50 euros pour le mois.
Oui, je sais, le gouvernement, dans son infinie bonté, nous demande de faire un effort. Faut trouver 11 millions d'euros quand même. Dans un premier temps. Je sais aussi que cette barbarie capitaliste qui nous écrase finira par s'autodétruire, pauvre colosse aux pieds d'argile. Mais je ne peux pas me contenter de cette certitude, je serais peut-être morte avant.
Alors lundi, d'abord je contacte mes amis-camarades. Parce que si on ne s'aide pas entre nous, on est vraiment des gros bouffons, comme dit Fiston. Après, je vais à l'Hôtel des Impôts. J'explique ma situation, et je ne bouge pas avant qu'on ait fait sauter ce truc infâme. Et ensuite, je continuerai à ma battre. Nous sommes plus nombreux qu'eux.
Et oui, la vie, c'est un saut basque.